Un arrêt de 1 482 pages rendu le 7 juillet par la Cour de justice de la République prononce un non-lieu pour Agnès Buzyn, Edouard Philippe et Olivier Véran, mais relève de graves manquements dans la gestion de la crise Covid-19 entre janvier et juillet 2020. Les magistrats pointent un manque d'anticipation, des dysfonctionnements structurels et des erreurs qui auraient pu éviter nombre des 32 000 décès. Ce document impitoyable pourrait marquer l'histoire de la réponse française à la pandémie.
Rendu le 7 juillet après cinq ans d'enquêtes, l'arrêt de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) examine la gestion de la crise Covid-19 par l'exécutif français. Bien que prononçant un non-lieu général pour l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, le Premier ministre Edouard Philippe et son successeur Olivier Véran, les trois magistrats dressent un bilan sévère de la période de janvier à juillet 2020.
Ils relèvent de multiples dysfonctionnements, incluant « un manque d’anticipation crucial » et « l’inefficacité structurelle d’un système ». Selon eux, le pays était « mal préparé et mal équipé », avec des stocks stratégiques insuffisants, une politique de dépistage tardive, une crise logistique, un défaut d’anticipation de la deuxième vague et une gouvernance peu lisible. Nombre des 32 000 décès recensés auraient pu être évités, affirment-ils, en soulignant des erreurs et parfois des mensonges de l’exécutif.
Les magistrats ont rencontré des obstacles dus à la mauvaise volonté des responsables politiques, mais insistent : « Il est définitivement vain de rechercher dans la présente information un acharnement procédural ».
Concernant les élections municipales du 15 mars 2020, la CJR estime que le pouvoir a priorisé ce scrutin, crucial pour le parti présidentiel en mal d’élus locaux, au détriment de la sécurité sanitaire. Une circulaire d’Edouard Philippe du 1er juillet 2019 prévoyait une cellule interministérielle de crise, activée seulement le 17 mars 2020. « Seule la volonté de maintenir le premier tour des élections municipales du 15 mars 2020 a justifié cette mise en œuvre tardive », notent-ils, se demandant : « Pourquoi ne pas y avoir recouru dès le début de la crise ? »
Sur le plan financier, les enquêteurs ont découvert un fonds ministériel pour les crises sanitaires créé en 2004, mais jamais abondé. La direction générale de la santé a répondu : « Aucune somme n’est venue abonder ce fonds. » De 2017 à 2024, aucun financement alternatif n’a été prévu. Les magistrats visent Jérôme Salomon, directeur de 2018 à 2023 : « Aucun des documents versés au dossier ne comporte une demande de sa part en termes d’allocations de moyens ou d’effectifs supplémentaires. » Plutôt que de blâmer les instances internationales, ils appellent à interroger le dispositif français.